Runner’s World : Quel est actuellement votre poste au sein de Philips ? Travaillez-vous uniquement sur la partie casque ?
Benoit Burette : Mon rôle est de garantir la qualité sonore des produits Philips Audio, et je fais également le lien entre le département Recherche et Développement et les équipes du marketing ou celles dédiées à la vente. L’audio étant par nature quelque chose de très subjectif, je participe également à la pluralité des opinions. Je consacre la majeure partie de mon temps sur les produits premium qui intègrent de nouvelles technologies. Nous devons garantir une signature sonore qui s’applique à l’ensemble de la gamme Philips Audio. Je suis un peu comme le gardien du temple : que ce soit une barre de son, un casque, une enceinte sans fil, je m’assure que le client puisse retrouver cette même qualité à travers tous nos produits. Une gamme comme celle de Philips étant relativement large, le but est maintenant de trouver des procédés permettant d’étendre cette signature sonore à l’ensemble des produits.

Comment définiriez-vous votre signature sonore ?
B.B : Dans le domaine de l’audio, tout est affaire de transparence. Nous avons chacun nos préférences concernant la qualité du son, et la signature sonore de Philips a été développée à travers des tests impliquant presque un millier de nos consommateurs à travers le monde, de l’Asie aux Etats-Unis, en passant par l’Europe. Lors d’une écoute à l’aveugle, les participants devaient régler le son de la musique, ce qui leur a permis de choisir la balance sonore qu’ils préféraient. Avec les résultats obtenus, nous avons créé une sorte de valeur médiane : il se trouve que beaucoup de participants s’arrêtaient à peu près sur une même balance. Nous avons donc défini notre balance à travers nos consommateurs, puis nous l’avons affiné pour qu’elle soit industrialisable et plaise à nos équipes.

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Le seul élément sur lequel nous avons proposé un parti pris est sur le son chaud —la partie basse du spectre de la voix, entre le bas de la voix et les basses— où nous avons tendance à être plutôt généreux. C’est une partie qui me parle particulièrement, car c’est un élément qui peut être difficile à rendre de manière crédible. Elle donne un certain corps, aussi bien à la voix qu’aux instruments. Elle peut se trouver notamment dans la zone de transfert de la barre de son, entre la barre de son et le son, qui est typiquement une zone difficile à traiter. Nous sommes dans une balance sonore qui cherche à être la plus transparente possible et qui puisse être compatible avec tout style de musique.

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Pouvez-vous revenir sur la naissance du projet du casque Philips ? L’idée d’origine était-elle déjà de faire un casque à conduction osseuse ?
B.B : En réalité, cette technologie n’est pas nouvelle. On l’utilisait déjà pour les boîtes à musique, où la conduction a travers une table en bois, ou une petite boite creuse permettait au son de prendre une nouvelle dimension. Nous avons voulu l’exploiter dans le domaine des haut-parleurs, mais c’était technologiquement plus adapté à l’esprit d’un casque a travers la conduction osseuse de la boite crânienne. Il y a deux aspects qui peuvent être assez surprenants avec cette technologie : lorsque l’on met un casque à conduction osseuse pour la première fois, la personne n’a rien dans les oreilles mais peut entendre, car il est relativement large au niveau du spectre. Nous avons également tout de suite vu l’aspect fonctionnel de ce casque : il est possible d’avoir une écoute sans l’occlusion d’un casque qui rentre ou couvre l’oreille.

L’arrivée de la technologie de conduction osseuse a été salvatrice pour les gammes de casques. A l’époque, nous produisions des casques à réduction de bruit, qui sont des casques cherchant à s’adapter à différents scénarios, comme le vélo, la course à pied… La méthode consistait à voir si nous pouvions identifier les bruits et les sons qui devaient être filtrés, tout en restant audibles. Mais nous commencions à voir les limites de la réduction de bruit active et la conduction osseuse est arrivée comme une alternative qui permet d’avoir une ambiance sonore et rester conscient de son environnement.

Quels étaient vos objectifs initiaux ?
B.B : L’élaboration du premier casque nous a permis de gagner des connaissances que nous avons appliquées sur les générations suivantes. Le premier casque a été développé en partenariat avec l’équipe de cyclistes Jumbo-Visma. Nous avions déjà le prototype de base mais avec cette collaboration, nous avons pu développer les réglages et l’optimisation de l’expérience auditive, ainsi que celle de la prise de voix. Pour les dernières générations, nous avons voulu adapter toutes les fonctionnalités dignes d’un casque de cette gamme de prix. Bien qu’il ait avant tout été pensé pour le sport, le casque peut être utilisé dans d’autres —avoir une réelle expérience sonore— sans avoir la même application : je vois beaucoup de collègues qui le portent à longueur de journée. C’est le confort et le maintien du casque sur la tête pendant l’effort qui va primer.

Pouvez-vous revenir sur les différences entre ce casque intra et les différents types de casques que comprend votre gamme ?
B.B : Notre dernier casque en date, le 5608, a pu bénéficier des toutes dernières technologies. Il est étanche à la sueur et à l’eau et nous avons ajouté une nouvelle technologie de micro nouvelle sur nos casques : le micro bénéficie d’un petit supplément au niveau du traitement du signal, ce qui permet de mieux éliminer le bruit et d’avoir une meilleure réception de la voix. Nous avons également augmenté la tenue de la batterie, qui tient désormais jusqu’à 6 heures sur une seule charge, suffisant pour un marathon. Il est au prix de 119 euros, plus cher que notre avant-dernier casque à 76 euros.

Chez nos casques lancés l’année dernière, la batterie peut tenir 9 heures en une seule charge. A la fois étanche à l’eau et la poussière, il possède un petit port magnétique pour le charger, ce qui permet d’avoir une intégration du chargeur un peu plus souple et rend le casque plus fin. Les lumières se trouvent à l’arrière, permettant aux coureurs d’être visibles même dans des zones sombres. Cela paraît n’être qu’un détail mais c’est un élément qui a été salué plusieurs fois par nos clients et qui nous distingue de la concurrence.

En parlant de concurrence, vous faîtes office de challenger sur ce segment, face à Shokz. Quels étaient vos objectifs en termes de ventes ?
B.B : Nous voulons rendre la technologie de la conduction osseuse accessible au plus grand nombre et un positionnement au niveau du prix était important. On devait aussi identifier des petits concepts qui vont nous différencier, comme les leds à l’arrière, ainsi qu’améliorer le plus possible la partie prise de voix. Il fallait entrer en concurrence sans nécessairement chercher à réinventer le casque ou la technologie, et se positionner au bon prix. Nous voulons mettre l’accent sur le confort et le maintien, qui sont les intérêts principaux de ce casque et de notre gamme/série.

Lors du test, j’ai été surpris par la qualité de son maintien et de son confort. Comment avez-vous travaillé sur cette partie en particulier ?
B.B : L’ergonomie est directement liée au confort et au maintien du casque sur la tête. Il y a plusieurs paramètres à prendre en compte pour la conduction et obtenir le meilleur couplage entre le casque et la boite crânienne, c’est-à-dire le meilleur contact entre ces deux zones. Il faut gérer cette balance entre les deux, à la fois avoir suffisamment de pression pour que le son passe de manière efficace et en même temps, qu’il y ait un confort à long terme pour l’auditeur. Le design qui passe par-dessus l’oreille et qui redescend relativement bas est un aspect qui permet justement de répartir idéalement le poids du casque entre les différentes zones de contact.

Le principe de la conduction osseuse possède une efficacité très variable à travers le spectre. On a besoin d’énormément de puissance pour délivrer un peu de volume sonore, alors que pour un intra, le couplage entre le haut-parleur et le tympan est presque d’un pour un. En termes d’efficacité, c’est l’un des désavantages de la technologie de la conduction osseuse. En ce qui concerne les hautes fréquences, cela va particulièrement dépendre de l’épaisseur du crâne, la largeur de la tête, du point de contact… La variation de qualité du son perçu va être beaucoup plus importantes avec les casques à conduction osseuse qu’avec n’importe quel autre type de casque. De notre côté, nous cherchons plutôt la qualité fonctionnelle pour être certain d’avoir des médiums équilibrés et intelligibles, surtout pour la reproduction des voix. Il ne faut pas perdre de vue que les personnes utilisant le casque ne sont pas forcément orientées musique, cela peut aussi être pour du podcast. Donc quitte à choisir un axe d’attaque, nous avons choisi celui du médium ainsi que celui de la puissance, pour être capable de passer au-dessus du bruit environnant.

En plus des tests réalisés avec les mille personnes pour définir leurs préférences sonores, avez-vous également fait une itération avec des tests sur la partie confort et sonore
B.B : Nous avons opéré d’une manière très fonctionnelle. Le casque à conduction osseuse est malheureusement le seul type de produit où nous n’allons pas pouvoir appliquer la signature sonore. Il n’existe pas de méthode de mesure qui nous permette réellement d’identifier de manière objective la réponse du casque. Nous avons donc beaucoup de paramètres qui entrent en jeu et que nous devons contrôler. Nous n’avons donc pas cherché à forcer cet aspect sur les casques à conduction osseuse. Par contre, pour l’aspect intelligibilité, nous avons eu des retours à travers nos expériences. L’aspect optimisation de la performance sonore est essentiellement orienté autour de l’intelligibilité et d’une bonne balance entre le son qui peut entrer (les bruits du vent ou des turbulences…) et le son perçu directement par le casque.

Sur ces casques, quelles ont été vos missions ?
B.B : Mon rôle s’est joué en amont, pour la pré-étude avant de lancer le projet. Quel type de son ? Comment y parvenir ? Comment définir les avantages subjectifs du casque ? Après une première expérience, je devais assurer que les attentes et le message étaient clairs par rapport à ce que ce type de casque est capable de délivrer. J’ai davantage eu un rôle de conseiller : une fois que le projet a été lancé, il est passé entre les mains de nos équipes de développement basées à Singapour et Shenzhen. Avec toute l’expérience qu’ils ont pour la définition de l’architecture des casques, c’est un schéma qui me paraît assez logique pour ce type de produit.

Nous avons précédemment parlé de la révolution des casques à réduction de bruit active. Est-ce que vous sentez sur ce type de casque à conduction osseuse que les nouvelles technologies en train d’apparaître pourraient notamment permettre d’augmenter la qualité audio ou d’autres parties ?
B.B : Pour l’instant, nous avons du mal à faire le lien entre la réduction de bruit et la conduction osseuse parce qu’il y a une grande variabilité entre la qualité du son perçu et la conduction osseuse. Il est encore difficile de créer un lien direct entre les deux. Je pense que nous n’avons pas encore découvert tous les cas d’utilisation pratique de ce casque. Pour l’instant, notre développement est purement orienté sport, mais on finit par le retrouver dans des lieux inattendus comme dans les bureaux. C’est là où la technologie va évoluer : dans l’incarnation du scénario d’utilisation du casque et de sa technologie. Nous disposons de très peu d’évolution possible au niveau de la technologie de transmission sonore : la progression va plutôt se faire au niveau de l’application. Nous allons peut-être découvrir des choses intéressantes qui vont se transcrire par de nouvelles formes de casques.

Le casque à conduction osseuse Philips Sport TA A7607 est disponible au prix de 199,99€ philips.to/3HK2yhz

Disponible également chez FNAC / Darty