« On a besoin de revoir notre approche concernant les glucides, lance Laurent Bannock, nutritionniste spécialisé dans les questions sportives, qui travaille autant avec les sportifs de haut niveau qu’avec les amateurs. Consommer beaucoup de glucides permet à votre métabolisme de mieux les assimiler ». Voilà qui semble ok jusqu’à ce que Laurent Bannock ajoute « à la place des graisses ! ». « En tant que coureur, poursuit-il, vous devriez puiser en priorité dans vos réserves de graisses. Alors pourquoi rester obsédé ainsi par les glucides ? ».

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Laurent Bannock n’est pas le seul aujourd’hui à remettre plus ou moins en question le « tout glucides ». « Les pros du marketing et les industriels ont fait des glucides le seul aliment indispensable pour les sportifs de haut niveau. On dirait une sorte de religion pro-glucides ! explique de son côté le professeur Tim Noakes. Les sportifs croient qu’ils ne peuvent trouver de l’énergie nulle part ailleurs ». Tim Noakes, auteur de « The lore of running » en connait pourtant un rayon sur la course à pied et l’alimentation… ce qui ne l’empêche pas d’avoir créé la polémique récemment en défendant le régime paléo, une diète hyper protéinée et pauvre en glucides essentiellement à base de viande, fruits à coques (et oléagineux), fruits et légumes qui se rapproche de ce que mangeaient nos ancêtres.

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Pour Tim Noakes, consommer moins de glucides n’est pas uniquement bon pour la performance, c’est aussi (et avant tout presque) un choix alimentaire qui permet de rester en meilleure santé. Sa théorie ? Certaines personnes ne peuvent tout simplement pas métaboliser de grandes quantités de glucides. Et pour ces « intolérants », non seulement ces grandes quantités de glucides vont perturber le métabolisme des graisses, mais elles vont engendrer aussi des pertes de performances, des problèmes de poids et de santé. Sur quoi se base Tim Noakes ? Sur sa propre expérience. En tant que coureur d’ultra, il enchaîne aux alentours de 200 kilomètres toutes les semaines. Il suit alors le régime alimentaire classique des sportifs, composé essentiellement de glucides, celui qu’il prône depuis 33 ans. Mais voilà. Tim Noakes doit toujours se battre avec son poids et pire, développe un diabète de type 2, une pathologie dont sont prédisposés les membres de sa famille. Il s’intéresse alors aux glucides et revoie complètement sa copie. « Il n’y a pas de raison valable de consommer plus de 200 g de glucides par jours, continue-t-il. Certains athlètes en avalent près de 700 g par jour ! Cela peut causer chez certains sujets prédisposés, comme moi, un diabète de type 2. »

REDISTRIBUER LES CARTES

Même si vous n’avez pas de prédisposition génétique qui pourrait expliquer une certaine intolérance vis-à-vis des glucides, la surconsommation de glucides peut néanmoins altérer vos performances. « Si vous mangez beaucoup de glucides, votre organisme s’habitue et s’adapte. Il devient alors très efficace pour métaboliser les glucides, insiste Laurent Bannock. Votre corps doit aller puiser son énergie dans ce que vous lui fournissez. Si vous voulez booster vos performances et votre endurance, vous devez réhabituer votre corps à utiliser aussi l’énergie qui provient d’une autre source : les lipides. Si votre organisme est capable à la fois de métaboliser les lipides et les glucides, il pourra conserver puis utiliser ses réserves glucidiques au meilleur moment, en fin de course par exemple. Par ailleurs plus votre métabolisme de base sera efficace, et plus vous préserverez votre santé. »

Tim Noakes partage ce point de vue. « Les humains, explique-t-il sont programmés pour consommer en premier lieu des graisses quand ils fournissent un effort. C’est pourquoi nous en stockons autant, surtout comparativement aux sucres. Même si certains argumentent en disant que pour un effort très intense sur une courte durée l’organisme va surtout avoir besoin de sucres, la majorité des sportifs qui surconsomment les glucides sont plutôt ceux qui fournissent un effort d’endurance. » C’est le cas de la majorité des coureurs.

Alors comment faire pour que l’organisme puise avant tout dans les graisses ? C’est assez simple, d’après Laurent Bannock, puisqu’il suffit de manger moins de glucides et plus de graisses, de « bonnes » graisses, évidemment. C’est le contenu de votre assiette qui détermine la façon dont se conduit votre corps, explique le nutritionniste. Vous devez donc remplir votre assiette à hauteur de 50% de légumes (y compris légumes farineux comme les panais, les petits pois…) et consacrer encore 25% aux protéines maigres et bonnes graisses, autrement dit des aliments riches en oméga-3.

« Gardez les féculents pour les repas post-entraînement et optez pour une assiette composée de 50% de glucides et 50% de protéines dans l’heure qui suit la sortie, précise encore Laurent Bannock. Puis dans les deux heures qui suivent prévoyez de vous ravitailler avec des légumes, des protéines, les lipides et des glucides, le tout en proportions équivalentes. »

D’autres experts encore s’engouffrent dans cette voie. Anita Bean, auteure de L’Alimentation du sportif (éd. Chantecler) ajoute : « de nouvelle études tendent à penser que l’on peut « apprendre » aux muscles à utiliser les graisses plutôt que les sucres pour fonctionner en suivant un régime pauvre en glucides ». Néanmoins tempère-t-elle, ces régimes pauvres en glucides sont plus adaptés aux coureurs qui seraient prédisposés à développer un diabète et à ceux qui s’entraînent sur des distances moyennes ou courtes.

Vous pouvez aussi moduler intelligemment les prises de glucides en gardant toujours en tête cette règle : « basse pour les entraînements, haute pour les courses ». « Suivre un régime pauvre en glucides pendant les périodes d’entraînement et au contraire riche en glucides 24 heures avant la course peut vous donner un avantage non négligeable, poursuit ainsi Anita Bean. Car vous aurez ainsi la meilleure « diffusion » de l’énergie pendant la course, entre les graisses et les sucres. »

Dans ce cas-là, attention à votre consommation en boissons isotoniques pendant la course, car elles sont extrêmement riches en glucides, à raison de 30 g ou plus par 500 ml. « Elles ne sont absolument pas adaptées lors d’un effort de moins de 60 minutes, continue-t-elle. Contentez-vous d’eau pour vous hydrater. » Si votre métabolisme sait puiser directement dans les graisses, les boissons sucrées pendant l’effort n’ont aucun intérêt, puisque vous n’en avez pas besoin. En revanche, si votre métabolisme est habitué aux glucides, vous ressentirez ce besoin en sucres. Or qui dit apport trop important en sucre, dit risque plus important de développer certaines pathologies.

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