Un plan d’entraînement, ça n’a rien de très compliqué. C’est vrai, tout le monde peut vous en concocter un. Par exemple, prenez mon ancien entraîneur d’athlétisme quand j’étais au lycée dans les années 60. Il essayait de nous faire courir dix séries de 400 m en 60 secondes. Nous étions des coureurs de fond. Autant dire que nous n’y parvenions pas. Il ne s’agit pas de séances choisies au hasard ou copiées sur d’autres coureurs à qui elles correspondent dont vous avez besoin, mais bel et bien d’un programme d’entraînement « individualisé » et réaliste.

Ces trente dernières années, Jack Daniels, un chercheur, docteur en physiologie de l’exercice physique, a mis en place un protocole qui permet de concevoir de tels entraînements, sans risques. Il a ainsi travaillé avec des dizaines d’athlètes de haut niveau, comme Jim Ryun, lors de sa préparation physiologique liée aux problèmes d’altitude pour les Jeux olympiques de Mexico, en 1968. Il a également entraîné d’autres athlètes américains tels que Joan Samuelson, Alberto Salazar et Peter Gilmore, un inconnu qui a pourtant couru le marathon de Boston en avril 2006, en 2 h 12 min 45 s, puis a enchaîné en novembre de la même année avec celui de New York, en 2 h 13 min 13 s. Jack Daniels s’est également occupé de coureurs moins talentueux, d’étudiants de l’université de Cortland State, à New York, mais aussi de débutants choisis pour tester ses programmes d’entraînement.

Depuis la publication de son livre, Daniels’ Running Formula, en 1998, des milliers d’entraîneurs de lycées et d’université ont adopté sa méthode. En fait, il semble même que les progrès réalisés par l’ensemble des coureurs de fond américains sur ces dix dernières années soient en partie liés aux méthodes de ce Jack Daniels… dont le nom n’a rien à voir avec la marque éponyme de boisson alcoolisée !

L’an dernier, j’ai eu la chance de rencontrer Jack à Flagstaff, en Arizona. Il est aujourd’hui entraîneur du hors-stade au centre d’entraînement de haute altitude de la Northern Arizona University. Nous avons beaucoup parlé de son livre, de ses programmes d’entraînement et de sa vision du sport en général. Pour la plupart de mes questions, il a regardé dans ses énormes dossiers : « Toutes les études que j’ai là remontent aux années 60, 70 et 80 » m’a-t-il dit. Puis, d’ajouter : « Il faudrait peut-être que je les fasse publier, un de ces jours ! » Oui, Jack, il faudrait…

En attendant, voici un petit condensé simplifié de ses fameuses méthodes d’entraînement. Bien sûr, quelques pages dans un magazine ne peuvent pas remplacer un livre de 280 pages (que je vous recommande vivement, si vous lisez l’anglais), mais vous pouvez quand même vous baser sur les règles suivantes pour créer votre propre programme :

1. N’en faites pas plus qu’il n’en faut

En d’autres termes, visez des bénéfices d’entraînement optimaux avec le moins de travail possible. C’est là le point clé des séances d’entraînement de Jack Daniels. Si je vous dis que vous pouvez réussir à courir à la vitesse de 3 min 10 s au kilomètre, en vous entraînant, au choix, 50 ou 130 kilomètres par semaine, que choisissez-vous ? La réponse est évidente. Pourtant, beaucoup de coureurs s’entraînent trop et de manière pas assez efficace. Leurs résultats ne s’améliorent pas. Au contraire, ils régressent. Jack, lui, essaye de réduire au maximum le temps d’entraînement tout en cherchant à améliorer constamment les résultats et à diminuer les risques de blessures. Le principe de base de cette règle ? Lorsque vous faites une séance, demandez-vous pourquoi vous la faites. Est-ce que vous travaillez l’endurance, la vitesse, la puissance ? Vous avez la réponse avant même d’avoir commencé ? Bravo, vous êtes bien parti, car cela veut dire que vous vous entraînez déjà de manière intelligente.

2. Évitez les blessures

Comment ne pas être sensible à cette vieille rengaine ? C’est toutefois plus facile à dire qu’à faire ! Pour vous éviter le piège du surentraînement, Jack propose de vous en tenir à votre kilométrage hebdomadaire habituel, au moins pendant les trois premières semaines. Puis, si vous vous en sentez capable, vous pouvez augmenter votre kilométrage hebdomadaire total, en fonction du nombre d’entraînements que vous réalisez. Par exemple, si vous courez quatre fois par semaine, vous pouvez ajouter au bout des trois premières semaines environ 4 kilomètres, répartis sur toute la semaine (et non pas 4 kilomètres à chacune des séances, bien entendu).

3. Suivez un programme d’entraînement progressif qui vous mènera peu à peu à votre pic de forme de compétition

Selon Jack, le programme idéal dure vingt-quatre semaines ou plus, et passe d’un type d’entraînement à un autre : endurance, entraînement au seuil, fractionné long et fractionné court. Dans le même temps, Jack s’est rendu compte que de nombreux coureurs ne démarraient pas suffisamment tôt leur plan d’entraînement. Dans son livre, il propose des variations sophistiquées sur ce même thème des vingt-quatre semaines précompétition.

4. Régler la plage d’utilisation de votre cardio sur « endurance fondamentale »

C’est la base, les fondations, de tout programme d’entraînement. Cette plage doit être comprise entre 60 et 70 % de votre fréquence cardiaque maximale (FCMax).

5. Si vous voulez courir trois à quatre fois par semaine, faites deux à trois séances en endurance fondamentale

Ces sorties s’effectuent à une allure modérée et il ne faut pas avoir peur de marcher si vos pulsations et le cardio s’emballent afin de redescendre dans la plage définie précédemment.

6. Au début, une fois tous les quinze jours (sur un cycle de 8 semaines), puis toutes les semaines, vous effectuerez une sortie longue de 1 h 15 à 1 h 30.

Cette séance ne se quantifie pas en kilomètres mais en temps, car nous courons tous à des allures différentes pour travailler la même qualité.

7. Si vous faites au moins trois entraînements par semaine, vous pouvez réaliser, en alternance avec le fractionné, une séance au seuil.

Ces séances très importantes permettent d’être plus à l’aise à une allure donnée (donc de courir plus vite pour une même dépense d’énergie). Comment définir ce fameux seuil ? Échauffez-vous pendant 20 minutes, à allure lente, puis accélérez légèrement toutes les 3 minutes (augmentation de 5 à 10 pulsations cardiaques). Quand vous commencez à avoir du mal à respirer régulièrement (vous ne pouvez plus tenir une conversation), vous êtes au seuil. À partir de ce moment-là, il ne faut plus accélérer car, si vous continuez, vous passez dans un autre registre où l’acide lactique arrive à grande vitesse. Enfin, sachez que le volume global d’une séance au seuil peut aller jusqu’à 40 minutes, soit en continu, soit en fractionné. Je vous conseille de commencer par exemple par 4 x 5 min, 4 x 7 min, 3 x 10 min, 3 x 12 min, 2 x 20 min, etc.

8. Si vous faites au moins quatre entraînements par semaine, courez environ 8 % de votre total hebdomadaire en fractionné long.

Ce type de séance améliore votre VO2 Max et votre capacité à courir vite. Réglez-vous sur votre rythme au kilomètre, sur une allure de 5 km.

9. Si vous remplissez la condition de l’étape n° 8, vous pouvez, en alternance une semaine sur deux, courir 2 % de votre kilométrage hebdomadaire en fractionné court.

Ces séances améliorent votre résistance, votre vitesse, la fréquence de votre foulée et votre relâchement lorsque vous courez à un bon rythme. Votre cadence sera votre rythme au kilomètre sur une allure de 5 km, moins 25 à 50 s par kilomètre.

10. Positivez

Si vous vous sentez dans un bon jour, dites-vous que ce n’est pas un hasard. C’est le fruit de votre travail à l’entraînement. Il n’y a pas de secret. À l’inverse, les jours « sans » sont aléatoires. On en connaît tous. Ils ne doivent donc pas vous inquiéter, à moins bien sûr qu’ils ne deviennent majoritaires. Auquel cas, vous devez essayer de comprendre pourquoi (le surentraînement peut-être ?). Bref, félicitez-vous des jours « avec » et ne vous focalisez pas trop sur les jours « sans ».