
Inutile de penser à un plan d’entraînement traditionnel lorsqu’il s’agit de boucler plus de 150 kilomètres dans les Alpes. Sur de telles épreuves, dépassant souvent 24 heures de course, avec des dénivelés plus importants que celui de l’Everest, il est impossible de se préparer avec un entraînement classique. Nous ne sommes pas dans le même effort, ni dans la même course ou dans la même durée. Pour se préparer au mieux pour une telle aventure, il faut d’abord savoir s’écouter, il faut respecter les étapes en avançant progressivement et en laissant le temps à l’organisme de s’habituer et de digérer les contraintes.
« C’est aussi tout ce qui fait la beauté de l’ultra, il est impossible de tout maîtriser, la part d’incertitude est très grande, chaque ultra est une surprise et un vrai pari. À chacun de mettre le plus de chances de son côté pour atteindre son but », analyse le champion de trail français Sébastien Chaigneau, grand connaisseur des ultras, vainqueur notamment de la Hardrock 100 Endurance Run aux États-Unis et troisième de l’Ultra-Trail du Mont-Fuji.
Voici néanmoins quelques lignes directrices pour se préparer au mieux en gardant bien à l’esprit que même la meilleure préparation du monde ne donnera jamais l’assurance de réussir : « Impossible de prévoir à l’avance les conditions de la course, le dénivelé et la météo, des paramètres qui ont une influence directe sur l’épreuve. »
Une longue aventure
Se lancer dans une épreuve telle que l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (environ 170 kilomètres et 9 600 mètres de dénivelé positif) est une aventure que le coureur débutant ne pourra sûrement pas envisager au hasard et encore moins sur un coup de tête. Il faut de toute façon justifier d’une certaine expérience avant de pouvoir s’inscrire (système de points). Il vous faudra donc plusieurs mois (voire plusieurs années) pour être prêt à relever un tel défi. « L’objectif est d’abord d’essayer d’avancer en pensant à des cycles de préparation. Ceux-ci peuvent durer plus ou moins longtemps, ils vont permettre de travailler successivement les qualités indispensables en ultra, le dénivelé, le renforcement ou encore l’endurance. »
Une adaptation de l’organisme qui va donc demander du temps et de l’entraînement : « L’adaptation musculaire est la plus simple à acquérir, mais elle n’est pas la seule, explique Sébastien Chaigneau. Il ne faut pas oublier l’adaptation physiologique – pour s’habituer à s’alimenter durant l’effort, par exemple –, l’adaptation hormonale (le sentiment de satiété) et surtout l’adaptation mentale (la résistance à la longueur et à l’effort). Tout cela va demander du temps, et ces adaptations sont indispensables. Il faut considérer l’ultra comme un apprentissage de son corps, de la nature et du contexte dans lequel on se prépare à évoluer. »
Le renforcement général
Il vous faudra là aussi prévoir une préparation sur plusieurs mois, avec un important travail de renforcement musculaire, notamment au niveau des jambes et de la sangle abdominale (PPG). Il faudra également effectuer du travail de dénivelé, « en montée et en descente », car toute la particularité de ces épreuves hors normes réside dans la gestion de la distance et dans la résistance musculaire. « Idéalement, il faudrait faire une ou deux séances par semaine de renforcement musculaire des jambes et de la sangle abdominale, c’est fondamental, insiste notre expert, troisième de l’UTMB en 2011. L’objectif est d’améliorer sa gestion du dénivelé, en montée et en descente, sans oublier le gainage abdominal, le renforcement ou encore l’explosivité. » C’est tout l’intérêt des exercices en pliométrie, qui améliorent la capacité à produire un mouvement plus puissant et plus rapide. Ces séances comprendront des exercices d’explosivité et de vitesse d’exécution.
Travailler le dénivelé
Il n’y a pas de secret, pour aller vite en grimpant (et en descendant), il faudra faire des côtes. Deux sorties hebdomadaires en spécifique dénivelé sont un minimum, surtout pour des épreuves aussi longues que les ultras. L’objectif est de gagner en force et en tonicité, mais également d’améliorer le geste technique en prenant confiance dans ses appuis (surtout en descente). Les trails préparatoires sont donc un passage obligé, des épreuves de 50 kilomètres en moyenne avec du dénivelé qui vont vous permettre de vous préparer. Les exercices de côtes apportent aussi un plus pour tout le système cardio-vasculaire. Il faudra également varier les séances de côtes, en passant de pentes plus courtes et intensives à des montées plus longues pour travailler le seuil et la résistance en montée. « L’idéal est de se donner un thème pour chaque séance de côtes : un jour travailler la descente, une autre fois la vélocité, la technique ou la résistance. C’est un plus pour la préparation du coureur et cela permet de rendre les entraînements plus ludiques. »
Faire du long
Apprendre à courir (très) longtemps est évidemment une qualité fondamentale. L’objectif n’est pas pour autant d’enchaîner des journées entières en endurance durant le week-end, « mais plus de s’habituer à gérer des temps d’effort longs et discontinus, insiste Seb Chaigneau, en alternant des phases de course en endurance et des phases de marche active. Cela permet de s’habituer aux conditions de courses du trail et d’apprendre à gérer la fatigue durant l’effort ». Le conseil sera donc d’alterner les phases de course et de marche sur du long. « Inutile cependant de dépasser 5 heures de course. Il vaut mieux voir la préparation dans son ensemble sur plusieurs mois que de se focaliser sur une ou deux séances particulièrement longues. »
La qualité
Des séances tout aussi importantes que le dénivelé ou le renforcement musculaire : « Les séances de VMA et de seuil long sont tout aussi importantes, les traileurs ont souvent tendance à l’oublier. Même pour des épreuves aussi longues basées sur la résistance et l’endurance, le développement de la VMA aura des conséquences sur les autres zones aérobies, donc sur l’endurance. » Il est intéressant de commencer un bloc de préparation spécifique VMA plusieurs semaines avant la course. Le traileur ne doit pas non plus laisser de côté les séances de seuil sur des fractions assez longues, « pour habituer l’organisme à tenir le rythme plus longtemps sur de longues distances ».
L’équipement
Plus que dans n’importe quel environnement, le matériel occupe en montagne une place très importante. C’est aussi un budget (parfois plusieurs centaines d’euros) : bâtons carbone (pliables ou non), surpantalon, sac à dos, poches à eau, vêtements techniques, lampe frontale… Sans oublier le plus important, c’est-à-dire les chaussures, qui seront choisies en fonction de l’épreuve. Selon les ultras, la liste de matériel peut être assez longue. « Il faut donc s’y prendre à l’avance, réfléchir et anticiper ses besoins plusieurs mois avant la course. Cela permet aussi de tester son matériel dans des conditions de course similaire, sur des séances longues. »